Odyssée ; quel jeu !

Est-ce vraiment un hasard si le mot jouer prend, dans de nombreuses langues, une double acception ?

Celle de se produire sur une scène, mais également celle de pratiquer une activité étonnante que certains pensent réservée au monde de l'enfance et qui n'a apparemment pas d'autre finalité qu'un amusement frivole ?

En y regardant de plus près, on s'aperçoit qu'aucune civilisation ne se passe de ces deux activités, qui ne paraissent pourtant, ni l'une ni l'autre, vraiment vitales. Que l'on pense à des règles du jeu comme celle des échecs ou à des formes scéniques complexes comme celle de l'opéra, l'une comme l'autre font appel à des raffinements et à des degrés de sophistication qui nous incitent à penser qu'aucune civilisation ne tient ces deux activités pour subalternes.
Si l'on utilise le même mot, c'est sans doute qu'il s'agit bel et bien d'une seule et même activité.

Lorsque l'enfant joue, il est entièrement absorbé par la réalisation d'une sorte d'univers parallèle initiatique régi par d'autres règles que celles du monde réel. De la même manière, l'artiste se produisant sur scène est entièrement absorbé à donner vie à un univers imaginaire régi par des codes n'ayant pas cours dans la vraie vie.

En français, le mot jeu a également un troisième sens : il exprime ce léger vide entre les pièces qui permet à une mécanique de tourner librement.

Sans jeu, une mécanique ne peut tourner, mais s'il y en a trop, elle manque de précision et se détériore rapidement. L'artiste interprète, qui doit se conformer à sa
« partition », est une illustration permanente de ce dilemme : s'il est trop servile, la vie ne pourra s'y insuffler, en revanche s'il en prend trop à son aise, sa prestation manquera de précision et ne trouvera pas son public.

Dans ses multiples activités de création, Odyssée assume pleinement les trois acceptions du mot jouer, en cherchant à retrouver sur scène cet état de spontanéité propre aux jeux de l'enfance, tout en respectant les modalités des deux autres sens du mot.

Régulièrement, la compagnie propose d'inviter des enfants et des musiciens amateurs à partager cet enthousiasmant moment de jeu que constitue une représentation scénique. Sans doute est-ce précisément cet enthousiasme dans le partage du jeu qui explique l'assimilation de la compagnie au champ du « jeune public ». « jeune public ». Une grille de lecture qui nous semble réductrice puisqu'elle cantonne l'idée de jeu au seul monde de l'enfance. Notre réalité artistique se veut plus ouverte et multiple.